Contexte
Pourquoi certaines personnes deviennent toxicomanes et d’autres sont-elles capables d’arrêter ? Une personne sur cinq qui prend de l’héroïne, par exemple, devient héroïnomane. La toxicomanie consiste à passer d’une consommation récréative de drogue à une consommation compulsive, où même des effets indésirables très graves, ne peuvent empêcher la personne de consommer de la drogue. Si on pouvait identifier les gènes impliqués dans la dépendance, ce serait alors une ouverture à de nouvelles pistes thérapeutiques pour aider les toxicomanes à se libérer de leur addiction.
Projet
Ce projet vise à comprendre le processus moléculaire du glissement vers la dépendance. Il consiste à analyser les phénomènes d'épigénétique impliqués dans ce processus. À partir de souris dont les neurones sont stimulés par la lumière, les chercheurs vont créer un modèle d’étude parfait pour l’étude de l’addiction, montrant une population qui va sombrer dans la consommation compulsive de drogue et une autre population qui va très vite stopper sa consommation, ou du moins l’adapter à un niveau de consommation récréative. On pourra ainsi mieux comprendre ce qui se passe au niveau moléculaire et génétique : quels gènes vont s’activer dans le processus de dépendance sous l’effet de stimuli positifs, et ce malgré les stimuli négatifs.
où en sommes-nous ?
Mars 2024 : Les résultats obtenus ont permis de montrer qu’il existe des différences de vulnérabilité à l’addiction chez des modèles murins génétiquement identiques. Les chercheurs ont testé l’hypothèse d’une contribution épigénétique individuelle à l’addiction, c’est à dire des différences moléculaires qui n’affectent pas les gènes eux même mais, de façon stable, leur expression. Leurs travaux révèlent qu’il existe des différences d'accessibilité de l’ADN entre les individus qui peuvent expliquer une vulnérabilité plus ou moins importante à l’addiction. En d’autres termes, la vulnérabilité n’est pas uniquement déterminée par nos gènes, et même de vrais jumeaux peuvent être différemment affectés.
Février 2023 : Les chercheurs ont poursuivi leur analyse des gènes associés à différents niveaux de vulnérabilité face à l’addiction. Une majorité des gènes est impliquée dans des voies de signalisations cellulaires essentielles au bon fonctionnement des neurones et certains sont connus pour avoir un rôle dans le développement de l’addiction. La confirmation de ces résultats dans une cohorte de souris plus large est en cours.
Décembre 2021 : À partir d'une cohorte de souris, les chercheurs ont identifié des individus avec comportement compulsif, et d’autres avec une consommation contrôlée. L'analyse des neurones de ces deux catégories de souris a été faite en se concentrant sur l'expression des gènes, et en fonction de la période de stimulation (pour imiter les états de manque ou de stabilité). Plusieurs gènes ont ainsi été identifiés comme responsables de la vulnérabilité à l'addiction. Le projet se poursuit en se concentrant sur les niveaux d'expression de ces gènes clés.
Chef de projet
Professeur Christian Lüscher, Médecin hospitalo-universitaire, Service de neurologie, Département des neurosciences cliniques, Hôpitaux Universitaires de Genève & Professeur Ordinaire, Département des neurosciences fondamentale, Faculté de médecine de l’Université de Genève