Contexte
Pourquoi certaines personnes présentent-elles un syndrome de dépendance aux opioïdes alors que d’autres sont capables d’arrêter ? Une personne sur cinq qui consomme des substances psychoactives développe un trouble lié à leur utilisation. Les troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives consiste à passer d’une consommation récréative à une consommation compulsive, où même les effets indésirables très graves ne peuvent empêcher la personne de consommer des opioïdes. Identifier les gènes impliqués dans la dépendance serait une ouverture à de nouvelles pistes thérapeutiques pour aider les personnes présentant un trouble lié à l’utilisation de substances psychoactives à se libérer de leur dépendance.
Projet
Ce projet, mené par deux éminents spécialistes de la recherche scientifique, les professeurs Christian Luscher et Emmanouil Dermitzakis, vise à comprendre le processus moléculaire du glissement vers la dépendance. Il consiste à analyser les phénomènes d'épigénétique impliqués dans ce processus. A partir de souris dont les neurones sont stimulés par la lumière, les chercheurs vont créer un modèle d’étude parfait pour l’étude des troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives, montrant une population qui va sombrer dans la consommation compulsive de substance psychoactives et une autre population qui va très vite stopper sa consommation, ou du moins l’adapter à un niveau de consommation récréative. Cela permettra ainsi de mieux comprendre ce qui se passe au niveau moléculaire et génétique : quels gènes vont s’activer dans le processus de dépendance sous l’effet de stimuli positifs, et ce malgré les stimuli négatifs.
où en sommes-nous ?
Mars 2024 : Les résultats obtenus ont permis de montrer qu’il existe des différences de vulnérabilité au syndrome de dépendance chez des modèles murins génétiquement identiques. Le groupe de recherche a testé l’hypothèse d’une contribution épigénétique individuelle à ce syndrome, c’est à dire des différences moléculaires qui n’affectent pas les gènes eux-mêmes mais, de façon stable, leur expression. Ces travaux révèlent qu’il existe des différences d'accessibilité de l’ADN entre les individus qui peuvent expliquer une vulnérabilité plus ou moins importante au syndrome de dépendance. En d’autres termes, la vulnérabilité n’est pas uniquement déterminée par nos gènes, et même de vrais jumeaux peuvent être différemment affectés.
Février 2023 : Les chercheurs ont poursuivi leur analyse des gènes associés à différents niveaux de vulnérabilité face à l’addiction. Une majorité des gènes est impliquée dans des voies de signalisations cellulaires essentielles au bon fonctionnement des neurones et certains sont connus pour avoir un rôle dans le développement de l’addiction. La confirmation de ces résultats dans une cohorte de souris plus large est en cours.
Décembre 2021 : À partir d'une cohorte de souris, les chercheurs ont identifié des individus avec comportement compulsif, et d’autres avec une consommation contrôlée. L'analyse des neurones de ces deux catégories de souris a été faite en se concentrant sur l'expression des gènes, et en fonction de la période de stimulation (pour imiter les états de manque ou de stabilité). Plusieurs gènes ont ainsi été identifiés comme responsables de la vulnérabilité à l'addiction. Le projet se poursuit en se concentrant sur les niveaux d'expression de ces gènes clés.
Chef de projet
Professeur Christian Lüscher, Médecin hospitalo-universitaire, Service de neurologie, Département des neurosciences cliniques, Hôpitaux Universitaires de Genève & Professeur Ordinaire, Département des neurosciences fondamentale, Faculté de médecine de l’Université de Genève