Contexte
La bactérie Klebsiella pneumoniae, présente naturellement chez l’homme et l’animal ainsi que dans la nature, est connue pour ses capacités à créer des infections respiratoires chez des personnes fragilisées. Elle est notamment responsable de nombreuses infections nosocomiales. Les antibiotiques de la famille des beta-lactamines, comme les carbapenem, sont souvent utilisées pour lutter contre ces infections. Or ces dernières années, on observe à Genève de nouveaux clones de Klebsiella pneumoniae qui résistent aux antibiotiques carbapenem. Dans des cas similaires de résistance bactérienne, par exemple chez le staphylocoque doré, les thérapies par phages sont de plus en plus utilisées. Les phages sont les virus des bactéries.
Projet
Ce projet propose d’étudier la possibilité d’utiliser des phages spécifiques comme solution thérapeutique à ce problème. Pour cela, les chercheurs vont récolter dans les eaux usées des HUG et des centrales SIG de Bois-de-Bay, des phages capables d’attaquer les souches de Klebsiella penumoniae. Ils vont ensuite sélectionner les meilleurs et s’assurer de ne garder que les plus bénins pour l’homme.
Dans un second temps, les mécanismes d’infection de ces phages seront analysés d’essayer d’élucider les mécanismes de résistance utilisés par la bactérie.
Enfin, ces phages seront testés en utilisation simple ou combinée avec des antibiotiques contre les Klebsiella.
Où en sommes-nous?
Mars 2024
Ce projet a permis d’isoler des eaux usées genevoises et de caractériser plus de 140 phages (les virus des bactéries) qui ciblent la bactérie résistante aux antibiotiques Klebsiella pneumoniae. Cette collection de phages et ces données sont capitales pour développer la phagothérapie à Genève et en Suisse.
Les chercheurs ont mis en évidence que les bactéries cultivées en laboratoire peuvent parfois devenir résistantes à un phage. Bien que cette résistance ne permette pas, pour le moment, de penser qu’elle serait une contre-indication à l’utilisation des phages en clinique, c’est un élément qu’il conviendra de prendre en compte pour le développement de la phagothérapie. Les résultats obtenus dans le cadre de ce projet ont permis de montrer qu’on peut déjouer cette résistance en combinant plusieurs phages entre eux de manière ciblée.
Enfin, trois phages issus de la collection font maintenant l’objet d’une collaboration internationale avec la Georgie, afin de les tester en milieu clinique et, in fine, les administrer à des patients atteints d’infections chroniques ou récidivantes à Klebsiella pneumoniae. L’élaboration du traitement à l’aide de ces phages est un processus complexe au niveau biologique mais également au niveau des règlementations éthiques qui est actuellement toujours en cours. Si le bénéfice pour les patients est démontré, il sera essentiel de faire évoluer le contexte réglementaire Suisse pour pourvoir proposer cette approche thérapeutique aux patients et patientes.
Chefs de Projet
Docteur Diego Andrey, Médecin chef de clinique, Service de médecine de laboratoire, Département diagnostique, Hôpitaux universitaires de Genève & Chef clinique scientifique, Département de Médecine (DEMED), Faculté de Médecine de l'Université de Genève.
Professeur Patrick Viollier, Professeur ordinaire, Département de microbiologie et médecine moléculaire (MIMOL), Faculté de Médecine de l’Université de Genève.
En savoir plus :
- Les égouts genevois recèlent des trésors contre l’antibiorésistance (Le Temps, 23.09.24)